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L’impact des aspects culturels lors des entretiens d‘investigation

L’impact des aspects culturels
lors des entretiens d‘investigation

Devons-nous prendre en considération les aspects culturels de notre interlocuteur lorsque nous menons des entretiens lors des investigations ? ou alors est-ce que la culture d’une multinationale peut supplanter la culture propre des employés et ainsi pouvons-nous parler de culture d’entreprise universelle au sein des grandes organisations internationales ?

Une mission d’investigation repose sur l’application de techniques pour comprendre les processus et pour mener à bien des entretiens. Ces techniques sont largement expliquées dans de nombreux ouvrages et par divers intervenants mais la connaissance de la culture de l’autre comme facteur de succès est peu mentionnée.

Mais alors qu’est-ce que la culture dans le cadre d’une mission d’investigation ? Est-ce la culture d’entreprise ? La culture d’entreprise est l‘ensemble des traditions et de savoir-faire qui assurent un code de comportement implicite et la cohésion à l’intérieur de l’entreprise ou est-ce la culture au sens large ? La culture au sens large est ensemble des comportements, des mythes ou des représentations collectives qui sont produits et diffusés massivement par les médias du pays, du continent (presse, radio, télévision, etc…) ?

Une culture a de multiples facettes et est difficilement abordable par des personnes extérieures à cette culture. De plus, deux personnes d’un même pays peuvent avoir des cultures différentes de part leur éducation, leur âge, leur enfance, leur niveau socio-professionnel…

Culture d’entreprise universelle
ou culture individuelle ?

Dans le cadre de mission d’investigation de lutte contre la fraude, contre la corruption, contre les conflits d’intérêts, contre les collusions…. la prise en compte de la culture intrinsèque de l’individu est essentielle lors de la conduite d’entretien ; la culture d’entreprise universelle n’existe pas dans ce contexte car ces exercices d’entretien reposent essentiellement sur l’humain au-delà de son organisation d’appartenance et l’humain ne se dissocie pas de sa culture, la culture est partie intégrante de l‘humain.

Lors de la conduite d’entretiens d’investigation, il faut préalablement comprendre les motivations de la personne qui a agi de manière non-éthique, savoir la mettre dans une zone de confort pour maintenir les échanges et également détecter ses non-dits et/ou ses omissions.

Alors comment aborder la culture individuelle de façon générale si une culture d’entreprise universelle ne s’applique pas dans ces circonstances ?

Comment mieux appréhender
les aspects culturels de notre interlocuteur ?

Voilà la vraie difficulté de l’exercice associé á la bonne appréhension de la culture de l’autre ; comment accéder à ce savoir ? Car il n’existe pas de bonnes pratiques formalisées et universelles pour chaque culture et/ou chaque personne. C’est ce qui explique que les aspects culturels, lors des entretiens, sont peu mentionnés dans les manuels et les guides d‘entretiens.

La phase critique lors de la conduite d’entretien d’investigation est la phase de préparation de l’entretien ; la préparation est l’étape-clé et la prise en compte de l’aspect culturel de l’autre doit être analysé à ce moment-là, pour ainsi être performant lorsque la personne est en face de vous.

Existe-t-il une méthode pour
caractériser une culture ?

Il existe celle proposée par Geert Hofstede, un psychologue social et anthropologue hollandais qui a étudié les interactions entre les cultures. L’une de ses réalisations les plus remarquables concerne l’établissement d’une théorie sur les dimensions culturelles, qui propose une structure systématique pour l’évaluation des différences entre nations et cultures.

La théorie de Geert Hofstede[i] est basée sur l’idée selon laquelle la valeur peut être placée sur six dimensions culturelles du :

  • pouvoir (égalité contre inégalité),
  • collectivisme (par opposition à l’individualisme),
  • l’évitement de l’incertitude (par opposition à l’acceptation de l’incertitude),
  • la masculinité (par opposition à la féminité),
  • l’orientation temporelle.
  • plaisir (par opposition à la modération).

Hofstede a réuni la plupart de ses données sur les valeurs culturelles mondiales, par le biais d’enquêtes et il proposa ensuite un barème utilisant une échelle de 1 à 100 en lien avec ses 6 dimensions. Consulter cette base en fonction de la culture de la personne avant un entretien est recommandé.

Par exemple, les travaux d’Hofstede expliquent notamment que les français sont respectueux de la hiérarchie, sollicitent le respect pour leur fonction et leurs responsabilités exercées et qu’ils n’aiment pas les surprises : ils ont besoin d’être bien préparés. Ces informations d’ordre général sur certains aspects culturels de l’interlocuteur français permettent d’ajuster son comportement particulièrement dans la phase de préparation de l’entretien ; par exemple anticiper au maximum la prise de rendez-vous, si le contexte le permet, afin de laisser la personne se préparer au mieux ou valoriser la fonction de la personne, afin de la mettre dans sa zone de confort.

Il est également intéressant de consulter les ouvrages d’Edward Twitchell Hall[ii], anthropologue américain et spécialiste de l’interculturel. Cet anthropologue distingue les cultures monochroniques (Amérique du nord, pays scandinaves, pays germaniques, Pays-Bas, Royaume-Uni…) et polychroniques (Amérique latine, Moyen-Orient, Afrique, Asie et dans une certaine mesure France ou Grèce). Les cultures monochroniques ont une vue du temps linéaire et compartimentée, alors que les polychroniques en ont une plus flexible.

Dans les cultures polychroniques, les choses sont plus importantes que le moment pour les faire. Les cultures monochroniques accordent de l’importance à la ponctualité, au contraire des polychroniques, qui sont moins organisés, mais capables de faire plusieurs choses en même temps. Par exemple dans les cultures polychroniques, à l’issue d’une réunion, une solution est souhaitée mais pas forcément obligatoire.

La culture, un atout . . .

En conclusion, durant cette phase de préparation, la prise en compte de l’aspect culturel est un élément essentiel. Pour autant il ne s’agit pas de tirer des conclusions trop hâtives en s’appuyant uniquement sur des analyses culturelles ; comme le “body language” lors d’un entretien, les aspects culturels sont des éléments qui peuvent aider l’investigateur à être plus efficient lors de l’entretien, notamment en permettant à l’interlocuteur d’évoluer dans sa zone de confort.

Néanmoins ces aspects culturels ne doivent pas remplacer les informations obtenues sur la base de faits tangibles ; la prise en considération des aspects culturels est un atout qui favorise aussi la collecte d’informations.

Jean-Jacques QUANG
Directeur Associé

[i] : Hofstede insights
[ii] : Beyond Culture (1976) by Edward Twitchell Hall